Bagasse: Au nom du pire

Sous prefet serre FC21

C’est au nom du pire – le risque d’accident – que l’Etat français a décidé, en 2004, de faire raser une partie importante des bois de Ferney. Mais le pire a bon dos et sert d’alibi à des projets moins avouables.

A la différence de tous ses prédécesseurs, le maire d’alors s’est empressé de prêter la main au massacre, négociant au passage quelques dangereuses ou futiles compensations : l’installation en plein champ d’une inutile allée dont le premier arbre peine à prendre racine, la création – abandonnée depuis lors – d’un promontoire d’observation des avions ( !) et, surtout, le maintien de la voie dite de débardage, construite sans raison apparente, sur une largeur disproportionnée et avec un empierrement digne d’un chantier d’autoroute. Soyons clairs: cette voie n’avait aucune utilité pour le seul abattage des arbres mais prenait tout son sens dans l’optique d’une voie rapide menant, à travers bois, du Centre Leclerc à la douane principale de Ferney / Grand-Saconnex.

Là ou plus de cent mètres d’épaisse forêt séparaient Ferney des nuisances d’un aéroport aux inquiétantes ambitions, il ne reste que quelques vieux chênes. Et encore ne doivent-ils d’être encore debout qu’à l’action conjuguée des éco-citoyens et des associations locales de protection.

Le tribunal administratif de Lyon a tardivement jugé illégaux les abattages réalisés sur le domaine de l’Etat. Le préfet, qui souhaite mener à terme sa basse besogne, a demandé en référé à ce même tribunal de l’autoriser à reprendre les travaux. La Justice lui a donné définitivement tort mais le mal est fait. Pourquoi n’irions-nous pas ensemble, dès les premiers beaux-jours, replanter de vrais arbres dans la vraie forêt, celle qui apparaît aujourd’hui comme un insoutenable champ de bataille ?

Tout ce gâchis au seul profit de l’aéroport, qui va bientôt, paraît-il, se donner bonne conscience en indemnisant quelques-uns des propriétaires les plus proches de la piste. A quelle hauteur et à quelles conditions ? Suspense…

La Suisse nous fait payer très cher nos rapports de bon voisinage Si la question de l’abattage de 12 hectares de bois ne représente que peu de choses pour bon nombre de Gessiens et pour l’actuelle majorité ferneysienne, qui n’a voulu voir dans ces abattages massifs que la volonté d’appliquer des mesures de sécurité à une forêt de peu d’intérêt, ces braves gens devraient observer ces gesticulations à la lumière du passé.

Un article, publié en 1899 (!) dans la Croix de Haute -Savoie, reste parfaitement d’actualité, un siècle plus tard: « La Suisse considère la zone neutre comme lui appartenant (…) Si le territoire ne lui est pas encore concédé officiellement, elle prend tous les moyens pour s’en emparer à l’avenir qui n’est pas très lointain(…). A coté de la question commerciale qui est toute entière en sa faveur et qu’elle a su organiser à son profit avec la complicité inconsciente ou nettement ouverte de l’administration publique du pays, nous avons des causes nombreuses de travail caché ou cyniquement opéré à ciel ouvert pour implanter dans la zone la prépondérance suisse ».

Nord-Aviation: le bras armé de Genève

En 1957, pour permettre l’agrandissement de la piste de Cointrin, une rectification de frontières, assortie d’un échange de terrains, est mise en place entre les deux pays. Tous les propriétaires français concernés doivent céder leur terrain à la Suisse tandis que certains propriétaires suisses de terrains devenus français pourront en conserver la propriété.
La convention signée entre les deux pays n’accorde que des miettes à Ferney, miettes qui seront rapidement bradées et dilapidées, en particulier par le sénateur-maire Ruet.

L’Etat de Genève a créé une société civile immobilière, Nord Aviation, gérée par des fonctionnaires du canton pour acquérir discrètement le maximum de terrains en France, autour de l’aéroport, avec parfois la complicité de maires ferneysiens de l’époque. Lors des inévitables successions familiales, l’un d’entre eux, de par sa fonction de notaire, sut habilement suggérer l’adresse de Nord Aviation aux propriétaires ferneysiens…

Aujourd’hui, par l’intermédiaire de Nord-Aviation, l’Etat de Genève est propriétaire de la quasi-totalité des terrains français entourant l’aéroport !
Devrons-nous éternellement brader nos campagnes au profit de l’expansionnisme helvétique tandis que la Suisse, elle, préserve farouchement ses terres ? Si le bois de la Bagasse s’était trouvé en Suisse, auraient-ils été livrés aux tronçonneurs ?

A.D.

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