Dans le cochon tout est bon

3 cochons FC 48

Chantons ensemble ses louanges puisque, dans le cochon, tout est bon. Mais encore faut-il que le cochon lui-même soit bon. Ce n’est hélas pas souvent le cas, ni dans les grandes surfaces ni même dans certaines boucheries traditionnelles. Quant aux restaurants, n’en parlons pas. Lorsqu’ils mettent du porc au plat du jour ou au menu, c’est généralement pour augmenter leur marge, le prix du cochon industriel étant particulièrement bas.

Il existe, heureusement, une exception : le cochon de La Truite. Cet excellent restaurant ferneysien, pourtant spécialisé dans la viande de bœuf (tartare sans pareil, pièce de bœuf sanguine à souhait) a mis à sa carte deux spécialités de porc : l’andouillette tirée à la ficelle et la côte à l’ancienne.

Dans l’andouillette, on trouve du pire et du meilleur. Le pire en grande surface et dans de trop nombreuses gargotes ; le meilleur chez quelques artisans charcutiers et dans de trop rares restaurants. C’est que, même si la plupart des andouillettes son uniquement faites de tripaille de porc (la fraise de veau a pratiquement disparu depuis la maladie de la vache folle), certaines sont faites avec tout et l’importe quoi, parfois même du museau, alors qu’une seule sort du lot : l’andouillette tirée à la ficelle.

Dans l’andouillette commune, on se contente de bourrer un boyau avec des tripes indifférenciées, hachées parfois très menu pour masquer les imperfections. Pour l’andouillette tirée à la ficelle, on utilise uniquement du chaudin de porc (le gros intestin), que l’on coupe en lanières et qu’à l’aide d’une ficelle on tire, à la main, à l’intérieur du boyau, ce qui lui donne naturellement une forme imprévisible et tarabiscotée, gage de qualité artisanale.

Le dramaturge et critique gastronomique Charles Monselet avait déjà chanté, au XIXe sicle, les vertus de la vraie andouillette. Candide s’en pourlèche encore les babines :
Dédaignons la mouillette
Et la côte au persil.
Crépite sur le gril,
Ô ma fine andouillette.
Certes, ta peau douillette
Court un grave péril.
Pour toi, ronde fillette,
Je défonce un baril.
Siffle, crève et larmoie,
Ma princesse de Troyes,
Au flanc de noir zébré.
Mon appétit te garde
Un tombeau de moutarde
De Maille ou du Vert-Pré.

Au menu de La Truite, le porc se présente aussi sous la forme revigorante d’une côte à l’ancienne. De quoi s’agit-il ? D’abord, choisir un porc fermier, engraissé à la manière des anciens, longuement. Un de ces porcs qui pèsent finalement deux bons quintaux de bon muscle et de vrai gras. De ce gras bien blanc, uniquement blanc, ferme, presque scintillant, que nos pères coupaient en épaisses tranches, comme on le ferait pour un fromage, et dégustaient avec délectation, cru, simplement accompagné de pain au levain et de vin clairet.

Dans la côte de porc servie à La Truite, ce bon gras est bien présent, presque un tiers, pour un autre tiers de muscle et un troisième d’os. Ce gars est si bien cuit, flamme d’abord, four ensuite, qu’il prend finalement une consistance de moelle. Un délice. Et ce n’est pas tout. Le chef n’accepte de ce porc fermier qu’à condition qu’on en ait pas retiré la couenne, qui brûle un peu à la flamme au point de parfumer toute la pièce (celle du porc, pas celle du restaurant) d’un relent âcre rappelant le temps des boucaniers.

Oui, dans le porc, tout est bon. A condition de le manger au bon endroit.

Lucullus, janvier 2009

Andouillette tirée à la ficelle, grillée, et sa garniture : 14€
Andouillette tirée à la ficelle, sauce moutarde : 16€
Côte de porc à l’ancienne et sa garniture : 13,50€

Restaurant La Truite
2 Grand’rue
01210 Ferney-Voltaire
Tél. 04 50 40 65 35
http://www.restaurant-latruite.com/
Restauration du mardi au vendredi
Il est prudent de réserver

L’établissement propose aussi, du mardi au samedi midi, un surprenant éventail de thés et de cafés des quatre coins du monde.

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