Sur la route de Divonne

Divonne bouteille

De Ferney à Divonne, on commence au vin et on finit à l’eau. De tout temps, des bistrots puis des restaurants se sont installés au bord de cette route autrefois campagnarde. Les clients furent d’abord de simples paysans désireux de se désaltérer et de rencontrer leurs congénères autour d’une picholette de blanc. Il y eut d’affreuses gargotes aux détours du chemin comme à ses deux extrémités. Il en reste quelques-unes mais beaucoup ont disparu. De leur belle mort et, parfois, de celle de leurs clients…

De la statue de Voltaire jusqu’aux sources de la Divonne, nous avons refait le chemin. Lentement, par étapes mais toujours à midi, notre bourse et nos obligations familiales nous interdisant de nous aventurer trop loin du bercail après la tombée du jour.

A Ferney, deux tables bien différentes mais de bonne qualité: Le Chanteclair (nous nous y arrêterons plus longtemps à la première occasion) et La Truite (les viandes sont toujours de première qualité et de belle quantité, le tartare coupé au couteau est sans doute le meilleur de la région). Les autres adresses ne méritent guère d’être mentionnés, même si l’Imprévu fait de louables efforts mais reste hélas totalement imprévisible. Le Pirate n’a gardé de l’époque de son créateur, Alain Béchis, que le décor. Le Bellevue a fermé. Quelques autres seraient bien inspirés de l’imiter.

Sur la Nationale 5 (pardon, la Départementale 1005) au bas de la côte d’Ornex, deux élépants tendent leur trompe pour attirer le chaland un établissement asiatique sans intérêt particulier. Un peu plus haut, du même côté de la route, une auberge longtemps fermée vient de rouvrir à l’enseigne de l’Insolite. Le cadre, entièrement refait, tient la promesse de l’enseigne mais ça se complique un peu à table. Non que les mets soient vraiment insipides mais parce que le décor lui-même nous laissait espérer mieux. L’originalité du contenant met davantage en évidence la modicité du contenu, sinon de la note qui, elle, est plus relevée que les mets.

A l’embranchement de la route de Gex et de celle de Divonne, nous aurions volontiers fait un crochet par La Belle Etoile mais nous connaissons – favorablement – le lieu depuis belle lurette et, disons-le tout net, cette première escapade est surtout réservée aux suprises, bonnes ou mauvaises.

Il y en eut une, plutôt bonne, à Versonnex. Le village, que l’on traversait jadis en évitant de s’arrêter, compte depuis peu ce qui ressemble à une Auberge communale sans en porter le titre, puisque le restaurant se nomme Sur l’Ardoise. De fait, les mets ne sont pas servis sur quelque ardoise brûlante; c’est seulement le menu qui est inscrit à la craie, au dehors et au dedans, sut un tableau noir. Un menu sans fioriture. Les plats y portent leur vrai nom, sans souci d’esbrouffe. A la carte, le chef propose en particulier des abats de sa façon. Le rognon de veau, servi rose ,est tout simplement sublime. Mais pas vraiment bon marché. Quant au menu de midi, pour 12€ (ce qui n’est pas beaucoup), il n’inclut pas de dessert (ce qui ne fait pas beaucoup non plus) mais surtout, malgré l’accueil enjoué de l’adorable patronne, il manque bougrement de personnalité. Peut mieux faire, donc, mais nous y retournerons car le cuisinier connaît manifestement ses classiques.
Grilly.

Au centre du village vivait autrefois Charles Desponds, le seul fromager opérant, à l’estive, sur le versant gessien du Jura, près de la station supérieure de la télécabine de Crozet. Il ne fromageait que du comté, souple et fleuri,hormis ce jour de 1943 où il remit une belle meule de bleu de Gex bien persillé à la réquisition des soldats allemands. De fait, une de ses vaches avait inopportunément fait tomber sa bouse dans le chaudron au moment de la cuisson. Charles Desponds avait conservé la meule,  certain de trouver un jour un client crédule, de préférence allemand…

C’est dire que Grilly fut, de toujours, terre de gastronomie! Voilà une vingtaine d’années, Alain Reymond y avait installé ses fourneaux avant de se délocaliser à la piscine de Divonne. C’était drôle, savoureux, complice. Aujourd’hui, un minuscule restaurant, l’Auberge de Grilly, est caché sur l’arrière. Alain Carlo y fait des merveilles. La salle est petite, souvent complète et c’est justice. Au menu de midi, hier, pour 17€, un capucciono de cèpes, genre café au lait pour gourmets: exquis. Puis une terrine très honnête relevée d’une sauce aigre-doux aux timides senteurs d’Orient. Ensuite, un émincé de volaille, en éventail dans son jus, avec petis légumes juste cuits. Enfin, au dessert, une mousse de fruits rouges à peine sucrée, agréable sans ostentation. Accueil souriant et discret de la femme du patron. Une adresse à retenir. Mieux vaut retenir, même à midi.

Et nous voici à Divonne. On nous avait beaucoup parlé (pas topujours en bien), du Rectiligne, nouveau restaurant implanté dans l’unique maison surplombant le joli petit port. Vision splendide sur le lac. A l’intérieur, décor moderne, plutôt froid et impersonnel malgré une manifeste volonté de se singulariser. Le menu du jour est affiché à 23€, tout de même. En entrée, au choix, une intéressante cassolette de champignons à la bisque de homard ou, hélas, la prétentieuse juxtaposition d’un peu de foie gras, ramassé au fond d’une coupelle et recouvert de gelée de pomme, le tout assorti d’un thé à la menthe en crryogénie, boisson tiède et fade perdue au fond d’un haut verre au-dessus duquel flotte un nuage blanc aux allures de concert rock. Poah! Ensuite, en plat de résistance (c’est bien le mot), une crépinette de pied de porc lourdingue et indigeste. Et un dessert dont le goût nous a déjà échappé. Mais sans doute n’aurions-nous pas été si sévères si on ne nous avait pas braqués, d’emblée, avec cette affligeante imposture cryogénique, figurant d’ailleurs sur d’autres plats proposés à la carte. Ridicule et tape-à-l’oeil. Les nouveaux riches doivent adorer!

Lucullus, décembre 2007

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